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Paul Reder – FADEAR : « Il faut favoriser une approche territoriale et la mise en réseau »

A l’occasion de l’événement Sortons l’Agriculture du Salon qui a eu lieu à Paris le 3 mars 2018, SOL a pu rencontrer Paul Reder, administrateur de la FADEAR, vigneron et éleveur aux Hautes Terres de Comberousse. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur la FADEAR et la situation actuelle des paysans. Découvrez ce témoignage enrichissant !

 

SOL : Pouvez-vous vous présenter et présenter la FADEAR ?

Je suis paysan, vigneron, éleveur ovin près de Montpellier et engagé au sien de l’ADEAR locale, et au niveau national, au sein de la FADEAR (Fédération des Associations de Développement de l’Emploi Agricole et Rural).

Chaque ADEAR émane des Confédérations Paysannes départementales. Ces associations départementales, et parfois régionales, sont rassemblées au niveau national sous l’entête de la FADEAR. La Confédération Paysanne et la FADEAR marchent main dans la main, avec des objectifs différents mais en exploitant au maximum les synergies notamment sur les problématiques liées à la défense de l’agriculture paysanne sur le plan syndical et le développement sur le terrain avec l’accompagnement de porteurs de projets qui ont des projets liés à l’agriculture paysanne.

SOL : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste vos missions d’accompagnement de ces porteurs de projet ? 

Nous rencontrons ces personnes pour comprendre leur projet et leurs volontés. L’idée est de cerner le projet de la personne le mieux possible pour pouvoir la conseiller et lui faire comprendre les enjeux et les atouts de son installation mais aussi les aspects qui vont être délicats dans sa réalisation. Tout ceci, pour ensuite, travailler autour de cette problématique et optimiser la réussite du projet.

Au sein de l’association, nous utilisons cette analyse pour connaître les compétences de la personne qui souhaite s’installer et nous lui proposons des formations qui pallieront ses points faibles. Nous le mettons également en contact avec des paysans qui ont des productions similaires ou qui travaillent sur un territoire proche de leur projet. Notre démarche ici s’explique car nous considérons qu’il est très important de favoriser une approche territoriale et la mise en réseau avec des fermes existantes.

Dans l’accompagnement que nous proposons, il y a aussi la mobilisation des moyens financiers. Cet accompagnement est très variable d’une région à l’autre. Même s’il y a un cadre national, les régions suivent dispositif particulier qu’il faut s’approprier. Ces programmes d’installation changent environ tous les 2 ans. Nos animateurs se doivent d’être bien à jour à ce sujet et de connaitre tous les dispositifs d’aides financières. Ils doivent également être au point sur les questions d’accès au foncier avec des contacts par exemple à la Safer.

Enfin, nous aidons également les paysans à rentrer sur les réseaux de commercialisation.

SOL : Comment se présente l’équipe au sein d’une ADEAR ?

Au niveau de chaque départements, il s’agit d’une association avec un conseil d’administration constitué essentiellement de paysans militants et d’une équipe d’animateurs qui sont salariés. Il y a ainsi, toujours au moins un salarié par département pour assurer le suivi des porteurs de projet, sur les aspects économiques, administratifs ou techniques.

L’implication directe des paysans est très variable d’un département à l’autre ; elle permet l’insertion du projet dans le tissu rural (entraide, accès au foncier, complémentarité de productions, … ).

SOL : Selon l’INSEE (chiffres de 2009), nous allons perdre 20 % de nos paysans d’ici 2020. D’après-vous, quelles sont les causes principales de cette perte ? Avez-vous des idées pour renverser cette tendance ?

Le non renouvellement des actifs agricoles est principalement dû au fait que c’est un travail mal considéré et mal rémunéré. Les enfants des paysans ne suffisent plus à renouveler l’activité des parents. Le schéma de renouvellement de générations en générations n’existe plus. Ce schéma donnait une grande inertie mais il est maintenant brisé. Les agriculteurs ont une situation professionnelle particulière : la comparer à celle d’un entrepreneur, ou d’une profession libérale est une erreur. C’est un métier qui demande une forte mobilisation en capital, pour peu de revenu. C’est donc un métier qui met la personne dans une position assez délicate vis à vis des critères sociétaux de réussite actuels.

Il y a une confrontation de deux modèles d’entreprenariat agricole. D’un côté, il y a des grandes structures disposant d’une main d’œuvre salariée et de l’autre, de plus petites structures souvent familiales comprenant très peu de main d’œuvre extérieure. Cette dernière s’oriente plutôt vers la vente directe pour récupérer un maximum de plus-value. A contrario, les grandes structures sont plutôt tournées sur le modèle industriel où les gains en productivité et en volumes produits sont censés compenser la perte de marges.

Dans l’agriculture paysanne et familiale, on essaie d’agir contre cette tendance notamment en aidant à l’amélioration de l’autonomie des paysans. C’est aussi pour cela que nous mettons en œuvre un accompagnement non seulement sur l’atelier de production mais aussi sur celui de commercialisation et que nous travaillons beaucoup au sein du réseau InPACT lorsqu’il existe localement.

Le groupe InPACT a des entités au niveau local. Pour donner un exemple plus concret des actions du groupe : en Occitanie le groupe a aidé à la mise en place de boutiques paysanne en autogestion collective. Des marchés paysans ont aussi vu le jour. En développement la vente directe en plein air, on simplifie la commercialisation des produits des paysans.

SOL : Pouvez-vous nous en dire plus sur l’importance du dialogue entre les acteurs du secteur et la création des réseaux ?

Les réseaux aident notamment à faire des mises en commun. Par exemple, en développant des catalogues communs de formations pour centraliser les données et éviter les redondances.

Nous essayons au maximum de se répartir les rôles entre acteurs et de travailler sur les complémentarités de chacun pour avoir plus de cohérence. Par exemple en Occitanie, nous avons les CIVAM BIO et les GAB qui ont leurs propres expertises. Nous faisons appel à eux pour travailler les complémentarités sur le territoire. Pour prendre un autre exemple, en Île-de-France, il n’y a pas d’ADEAR donc c’est plutôt le Miramap qui fait office de structure qui va aider et accompagner les maraîchers souhaitant s’installer.

SOL : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi l’agriculture paysanne est l’agriculture de demain ?

L’agriculture paysanne est celle de demain car elle préserve l’activité humaine dans les territoires ruraux, elle permet de fixer et de créer des emplois dans les territoires ruraux. Elle promeut aussi des pratiques qui permettent de répondre aux enjeux environnementaux liés à notre activité et donc qui permettent de préserver le potentiel de production des terres agricoles et de le développer.

Tout ceci fait en réseau, consolide l’existence de chaque ferme car ainsi elle dispose donc des moyens de partager son savoir-faire et d’accéder à des connaissances et des moyens qu’elle n’a pas. Nous espérons que les externalités de ce type d’agriculture seront reconnues à leurs justes valeurs.

SOL : Souhaitez-vous ajouter un dernier mot ?

Pour dire un dernier mot : on attend beaucoup du développement d’InPACT. Nous avons décidé de faire toutes les AG des membres d’InPACT en même temps, dans la région Centre, le 18 mai 2018 afin de tous se retrouver. Ce sera un peu le premier grand forum national d’InPACT ! Nous attendons effectivement beaucoup de cette dynamique pour défendre nos projets, notamment au sein des instances nationales.

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